Discours : « Violences policières et brutalité d’état » du 12 novembre 2022

Ce texte est une retranscription du discours d’Outrage Collectif lors de la table ronde « Violences policières et brutalité d’état » durant la seconde édition du Paraponera Festival à Genève en novembre 2022. La retranscription n’a pas été adaptée à la version écrite afin de ne pas modifier son sens.

Bonjour à touxtes,

C’est avec grand plaisir que nous vous accueillons pour cette nouvelle journée de festival, dans notre deuxième édition du Paraponera 2022. 

La discussion à laquelle nous venons d’assister était riche, forte et porteuse d’espoir. Le sujet dont nous venons de discuter nous est important depuis nos débuts et je dois rappeler que le 6 novembre, dimanche dernier, cela faisait 6 ans qu’Hervé Mandundu était assassiné par la police à Bex. Cette mobilisation, en lien avec sa famille, a été et est toujours si importante à nos yeux. 

Il y a 4 ans, nous avons organisé une table ronde portant sur les mêmes questions. Nous avions eu la chance de pouvoir l’organiser avec les collectifs Jupiter et Jean Dutoit de Lausanne. J’en profite pour attirer votre attention sur la situation de Jean Dutoit. Aujourd’hui les 70 membres du collectif habitent un lieu délabré et insalubre trop petit pour touxtes les accueillir. Iels cherchent du soutien et des opportunités de relogement. 

Ces dernières années, l’actualité des luttes a été agitée par les luttes contre les violences d’Etat, en particulier contre les personnes en exil. La lutte contre le système des centres fédéraux et la construction du centre de renvoi du Grand-Saconnex, le collectif Lutte des MNA, qui luttait contre l’indignité des conditions de vie que l’Etat leur imposait ou la lutte pour des conditions de vie dignes pour les mineurs et jeunes majeurs hébergés au foyer de l’Etoile. Cette semaine a lieu le procès d’un Securitas qui avait brutalisé des jeunes. Ces luttes sont quelques exemples genevois d’une situation commune à la Suisse et à l’Europe, et demandent toute notre solidarité et nos soutiens car elle touche des personnes parmi les plus isolées et vulnérables.

Comme cela a été mentionné durant la table ronde de hier sur les perspectives de lutte, nous sommes convaincues (Outrage Collectif) de l’importance de partir des situations vécues dans nos contextes propres, nos villes, nos rues, nos quartiers pour pouvoir créer des solidarités plus globales qui sont nécessaires aussi car le racisme, en particulier anti-noir.exs, malgré ses spécificités, fonctionne sur la même base et structure que les systèmes de domination à l’échelle mondiale.

Parce que s’il faut retenir quelque chose de ces deux tables rondes, c’est la nécessité de faire collectif, d’être solidaire, de faire mouvement contre le racisme, le patriarcat, l’imperialisme, le capitalisme.

Que la réelle opportunité qui s’offre à nous c’est celle d’être ensemble pour faire vivre le monde que l’on veut vivre, à partir de nous, à partir de nos perspectives.  Ça ne va pas être évident, ça ne l’est pas, déjà. On se casse la gueule, on se relève, on continue, on répète des erreurs, on se fatigue. Mais ce sont des moments comme celui qu’on vit aujourd’hui qui nous rappellent à quel point il est nécessaire de se rassembler. C’est pour cela que l’on vous appelle à vous organiser politiquement, peut-être à fonder des collectifs ou à rejoindre ceux déjà existants, pour faire parler vos voix, et qu’ensemble on puisse se faire résonner, récupérer ce qui nous appartient et détruire les récits mensonger de la bourgeoisie blanche. Ses récits ont des conséquences sur nos existences via les médias, les institutions, les politiques. Ça va du manque d’accès aux ressources de base à la mort des plus marginaliséex des sociétés dans lesquelles nous vivons, dans lesquelles d’autres survivent.

Il y a une nécessité de lutter, de lutter parfois ensemble, de se respecter et de respecter les différents modes de lutte. Il y a une nécessité de soutenir les personnes concernées par différentes oppressions, sans les essentialiser, sans les infantiliser, et dans la confiance en leur autodetermination. Ce respect irreductible pour qu’on soit de plus en plus fort, et de plus en plus nombreuxses.

Outrage Collectif

Justice et vérité pour Mike Ben Peter

English version below

Le 1er mars marque les 5 ans de la mort de Mike, tué par des policiers à Lausanne. Pendant tout ce temps sa famille est restée sans réponses sur les circonstances d’une mort qui n’a cessé d’être justifiée par les médias et les responsables politiques. L’année passée, c’était la commémoration des 5 ans de la mort de Lamin Fatty et de Hervé Bondembe Mandundu entre les mains de la police. A combien de commémorations devra-t-on encore assister ? Ces 5 ans ont été des années de luttes et le mouvement antiraciste dont nous faisons toustex ici partie, tant les collectifs que les personnes mobilisées, devient plus solide de jour en jour. Nous avons été à chaque fois plus nombreux.ses et plus fort.exs dans les rues, nous avons resserré les liens de solidarité et de complicité qui nous unissent en Suisse et ailleurs dans la lutte pour le droit à la vie, à une vie digne sans les violences et les humiliations que font subir la police, les douanes, l’administration, l’asile. Cette solidarité on la cultive au quotidien dans les lieux d’organisation politique, en manif, dans nos rues, dans nos lieux de vie. Chaque jour la Suisse humilie, frappe, maltraite, viole, expulse et tue, et chaques jours nous ripostons : nous nous organisons, nous mobilisons, joignons nos forces, et nous battons contre la suprématie blanche. Au lendemain de la mort de Mike, certains médias et personnalités ont diffusés de fausses informations mettant la responsabilité sur la victime. Une campagne médiatique menée par un réalisateur gaucho de pacotille demandait le durcissement de la répression envers les « dealers ». Depuis, la justice a disposé de cinq longues années pour monter un procès qui peut-être condamnera des flics mais ne condamnera jamais le système qui demande ces violences. Et même si les flics assassins sont condamnés, ce serait pour homicide involontaire. Un verdict amoindrissant pour une mise à mort en bande, mais toujours mieux qu’un acquittement, comme cela l’a été pour les flics qui ont tué Hervé Bondembe Mandundu. Le système judiciaire ne rendra à nos yeux jamais justice pour nos morts. Parce que lorsque les flics tuent dans les commissariats et dans la rue, lorsque les Securitas tabassent dans les foyers et les centres d’asile, c’est parce que cette société considère les personnes racisé.exs comme des nuisibles. Et ce ne sont pas des demi-mesures réformistes, des éléments de langage, des formations soi-disant antiracistes d’une demi-journée pour les flics en formation qui vont changer la donne. Ces 5 dernières années ont achevé de nous le confirmer : nous n’avons rien à attendre de la justice, nous devons nous défendre par nous-mêmes, mener des enquêtes indépendantes comme Justice4Nzoy le font. Parce qu’il faut le dire et le répéter : la violence et la raison d’être et le moteur de leur système d’exploitation. Parce qu’à chaque fois qu’ils se cachent derrière leurs mots techniques, juridiques et médicaux, nous savons ce que cela signifie. Lorsqu’ils parlent de « contrôle de rue dans le cadre d’une opération anti-drogue », nous le savons : ça signifie traquer, pourchasser et souvent violenter les hommes noirs dans les rues. Lorsqu’ils parlent de techniques de contraintes, nous le savons : ça implique une douleur physique et un sentiment d’impuissance face à des agents en armes qui ont tout le pouvoir. Lorsqu’ils parlent de plaquage ventral et d’immobilisation, nous le savons : ça signifie écraser une personne de plusieurs fois son poids, pouvant cause des dommages irréversibles et parfois la mort. On veut nous faire croire que tout ça c’est pour faire régner l’ordre, maitriser, contenir, immobiliser, garder la paix sociale. Mais toutes ces techniques et tactiques policières sont juste des manières légales d’exercer la violence sur les corps noirs et racisé.exs. Pour nous, la police est violente, rien que dans sa présence. Parce que nous demandons justice et vérité pour Hervé, pour Lamin, pour Nzoy, pour Alireza et toustex les autres. Parce que nous demandons justice et vérité pour la famille de Mike et ses proches.

English version : 

March 1st marks 5 years since Mike was killed by police officers in Lausanne. All this time his family has remained without answers on the circumstances of a death that has been justified by the media and politicians. Last year, it was the commemoration of 5 years since the death of Lamin Fatty and Hervé Bondembe Mandundu at the hands of the police. How many more commemorations will there be? These 5 years have been years of struggle and the anti-racist movement of which we are all part, both the collectives and the people mobilized, is becoming stronger every day. We have been each time more numerous and stronger in the streets, we have tightened the bonds of solidarity and complicity that unite us in Switzerland and elsewhere in the struggle for the right to life, to a dignified life without the violence and humiliations that the police, the customs, the administration, and the asylum system inflict upon us. This solidarity is cultivated daily in the places of political organization, in demonstrations, in our streets, in our places of life. Every day Switzerland humiliates, hits, mistreats, rapes, expels and kills, and every day we fight back: we organize, mobilize, join forces, and fight against white supremacy. In the aftermath of Mike’s death, some media outlets and personalities spread false information blaming the victim. A media campaign led by a “leftist” filmmaker called for a tougher crackdown on « drug dealers ». Since then, justice has had five long years to mount a trial that may condemn cops but will never condemn the system that demands this violence. And even if the murdering cops are convicted, it would be for involuntary manslaughter. A lesser verdict for a gang killing, but still better than an acquittal, as it was for the cops who killed Herve Bondembe Mandundu. In our view, the judicial system will never deliver justice for our dead. Because when cops kill in police stations and on the street, when Securitas beat up in homes and asylum centers, it is because this society considers racialized people as pests. And it’s not reformist half-measures, elements of language, half-day so-called anti-racist trainings for cops in training that are going to change the situation. The last 5 years have confirmed that we have nothing to expect from the justice system, and we must defend ourselves, to conduct independent investigations like Justice4Nzoy does. Because it must be said and repeated: violence is the raison d’être and the engine of their operating system. Because every time they hide behind their technical, legal and medical words, we know what it means. When they talk about « street control as part of an anti-drug operation, » we know: it means stalking, chasing, and often assault Black men on the streets. When they talk about restraint techniques, we know: it means physical pain and a sense of powerlessness in the face of armed agents who have all the power. When they talk about belly tackling and restraint, we know: it means crushing a person by several times their weight, which can cause irreversible damage and sometimes death. They want us to believe that this is all about order, control, containment, immobilization, keeping social peace. But all these police techniques and tactics are just legal ways of exerting violence on black and racialized bodies. For us, the police are violent in their very presence. Because we demand justice and truth for Herve, for Lamin, for Nzoy, for Alireza and all the others. Because we demand justice and truth for Mike’s family and loved ones.

Rest In Power Mike

Affaire Hervé Mandundu: Procès, jour 2

« J’ai 6 millions de raisons de perdre la mienne
Le système développe trop de pièges
Les gars racistes occupent trop de sièges ».
Lunatic – Civilisé

Les gars racistes occupent trop de sièges et leur soi-disant neutralité, hégémonique et blanche, est du côté du tueur. Qu’est-ce qui motive leur enquête? Quel est l’angle privilégié? Où est donc passée cette soit-disant neutralité suisse? Est-il si difficile d’accepter, qu’en Suisse aussi, des policiers blancs tuent des hommes noirs?

Continuer la lecture de « Affaire Hervé Mandundu: Procès, jour 2 »

Affaire Hervé Mandundu: Procès, jour 1

Toute la police est violente jusque dans ses regards et ses silences¹. Et c’est dans ces multiples regards et silences que le procès du tueur de Hervé Mandundu a commencé. Aux quatres coins du bâtiment, des groupes de policiers en uniforme errent dans un silence complice.

Continuer la lecture de « Affaire Hervé Mandundu: Procès, jour 1 »

Ils ne veulent pas dire pardon

Poème écrit et lu dans le cadre du mémorial pour toutes les victimes de violences policières : Sag ihre Namen! du 20.03.2021 organisé par Allianz Against Racial Profiling à l’occasion  de la journée internationale de lutte contre les violences policières.


Ils savent ce qu’ils ont fait
Et ils ne veulent pas dire pardon

On s’est rencontrés
On avait plus ou moins 12-13 ans
On avait le privilège de l’insouciance

Continuer la lecture de « Ils ne veulent pas dire pardon »

Affaire Hervé Mandundu : Le procès a enfin lieu

Enfin.

Plus de 4 ans après la mort d’Hervé Mandundu, tué sous les balles de la police cantonale vaudoise, le procès aura finalement lieu. Rappelons les faits. La nuit du 6 au 7 novembre 2016, 5 policiers intervenaient dans l’immeuble d’Hervé, suite à un appel pour tapage nocturne. Selon la version policière, Hervé les aurait agressé pendant son interpellation, ce qui aurait justifié que l’un d’entre eux – le caporal – lui tire à moins d’1m de distance trois balles dans le corps dont deux lui seront fatales. Les voisins d’Hervé ont démenti la présumée agressivité de la victime lors de l’intervention. C’est donc dans ces circonstances improbables que l’intervention de cinq agents de police entrainés et diplômés aura lieu. Cinq agents face à Hervé dans cet immeuble, qui en mourra. Il était seul, âgé de 27 ans, et père d’un jeune enfant.

Ce n’est que le lendemain matin, le 7 novembre aux alentours de 10h, que des agents de police viendront annoncer la mort d’Hervé à ses parents. Après ces évènements dramatiques, la communauté congolaise et leurs soutiens ont manifesté dans les rues de Lausanne pour dénoncer le racisme et le profilage racial imprégnant cette affaire. Cette mobilisation a rassemblé plus de 1000 personnes. Les revendications étaient claires: le droit à la vérité et la justice, contre les crimes policiers. Cette mobilisation a marqué un soutien pour toutes les victimes de violences policières et leurs proches, sous la pluie de slogans scandés par les manifestant·e·x·s: la vie des noir·e·x·s compte. Un an après la mort d’Hervé, la famille nous a livré un témoignage poignant:

« C’est vraiment trop long une année, nous n’avons même pas de réponse. Ce qui nous touche, ce qui nous fait mal surtout, c’est qu’on a reçu aucune visite des autorités, même pas un courrier pour avoir au moins de nos nouvelles. »

« Ce qui me fait peur c’est de voir combien de famille subissent ça, et ce que la police a semé dans la vie de nos enfants et les répercussions sur le long terme. On ne peut pas faire notre deuil. Le policier, il vit sa vie, il travaille et nous on est là, on est condamnés, on attend. On est là, comme des animaux quoi. C’est lui qui a plus de valeur que nous, c’est le policier. »

 

Continuer la lecture de « Affaire Hervé Mandundu : Le procès a enfin lieu »

Discours de la manifestation du 9 juin 2020 – La vie des noir.e.x.s compte!

Ils ont encore tué. Ils ont encore tué.

Ils ont tué George Floyd.

Ils sont la police. Le bras armé du racisme qui s’abat de manière féroce sur les noir.e.x.s. On ne compte plus les noirs qui sont morts aux mains de la police américaine. Ni les noir.e.x.s emprisonné.e.x.s, condamné.e.x.s par une justice tout autant raciste que les porcs qui la défendent.

Continuer la lecture de « Discours de la manifestation du 9 juin 2020 – La vie des noir.e.x.s compte! »

Afrofem contre police

english below
La violence d’État anti-noire la plus visible en Suisse, est celle faite sur les hommes noirs par la police. 
 
Si la question de classe et de la couleur de peau a une place cruciale dans la criminalisation des personnes, la question des genres a elle aussi sa spécificité de violence.  Alors bien que nous ne soyons pas des mecs cis noirs, nous pouvons voir comment l’État nous astreint à subir sa brutalité, de manière frontale ou subtile.

Continuer la lecture de « Afrofem contre police »

Pourquoi s’organiser contre la police ?

English below
——————–

Rien de nouveau sous le soleil : L’état du monde n’a pas beaucoup changé depuis notre dernier événement. Le racisme d’Etat sévi toujours, alors nous luttons.
Pour n’en citer que quelques uns ces 10 dernières années…

Tué le :
– 28.02.2018 Mike Ben Peter
– 24.10.2017 Lamine Fatty
– 06.11.2016 Hervé Mandundu
– 18.04.2010, Umüt Kiran, (tué par balle dans une course poursuite)
– 17.03.2010, (X nigérian tué sur le tarmac de Zurich lors de son renvoi forcé)
– 11.03.2010, (Skander Vogt), asphyxié dans sa cellule de la prison de Bochuz

Tous assassinés entre les mains de la police en Suisse.

Le constat général est simple. L’engagement policier participe à un système mortifère pour les noir·e·x·s et autres non-blanc·he·x·s. Depuis des décennies en Suisse, les noir·e·x·s sont quotidiennement agressé·e·x·s, racketé·e·x·s, tabassé·e·x·s, subissent des fouilles non conformes, et sont les sujets d’un contrôle social exacerbé.

Continuer la lecture de « Pourquoi s’organiser contre la police ? »

Speech : Support to Wilson A./Discours : Soutien à Wilson A.

Outrage Collectif’s speech in front of the Zurich courthouse during a gathering organized by « Alliance Against Racial Profiling » on Tuesday the 10th of April 2018, the opening day of the trial of Wilson A., victim of racial profiling and police brutality in 2009 on a tramway in Zurich. This gathering was in support of his trial against the 3 police officers that injured him and for all the victims of this type of violence.

The 3 police officers have now been cleared despite having insulted and severely injured Wilson A. who was turned by the state – the prosecutors hand in hand with the police officers – from being a victim to a threatening subject, classical rhetoric used by racist states to build up undefendable racialized bodies :

Continuer la lecture de « Speech : Support to Wilson A./Discours : Soutien à Wilson A. »