Justice4Nzoy : la violence d’Etat comme réponse à un besoin de soin

Discours lu à la manifestation « contre les violences policières » du 2 avril 2022 à Lausanne.

English version follows

Pourquoi sommes-nous là encore aujourd’hui? Nous sommes là aujourd’hui, car une personne a encore été tuée par des agents de l’État.
Nous sommes là aujourd’hui, car un homme afrodescendant a encore été tué par la police suisse.

Nous étions dans la rue en novembre 2016, lorsqu’ils ont tué Hervé Mandundu, un homme noir, à son domicile, de 3 balles dans le corps alors qu’il était en détresse.

Nous étions dans la rue en novembre 2017, quand quelques jours plus tôt, Lamin Fatty, un homme noir, arrêté et enfermé par profilage racial, est mort durant sa garde à vue suite à un malaise dans la gendarmerie de Lausanne. Lamin Fatty avait dit qu’il souffrait d’épilepsie, Lamin Fatty avait dit que cette arrestation était une méprise, mais la violence de sa prise en charge, la violence d’État l’a tué.

Nous étions dans la rue en mars 2018, après que 6 policiers aient tué Mike Ben Peter, un homme noir, après l’avoir plaqué au sol pendant 6 minutes, après avoir exercé une charge de plus de 250kg sur lui, après l’avoir tabassé dans une ruelle après un contrôle de rue. Pour se défendre au lendemain de l’assassinat, les meurtriers déclareront aux médias qu’il était mort par overdose… Les analyses toxicologiques prouveront pourtant qu’il n’avait pas pris de substance.

Pour parler du contexte lausannois de 2018, les mots prononcés par une personne du collectif Jupiter lors du Paraponera Festival suffiront:

« For me, since the death of Mike nothing has changed. I think it is worse than before. After the death of Mike, I have seen a friend that has been beaten by police, until they broke his finger. After the death of Mike, I have seen a friend that has been beaten by police, until they broke his leg. After the death of Mike, I have seen a friend that has been beaten by police, after what they take a knife and put it on his neck, telling they will cut his neck if he is around here again. After the death of Mike, I have seen people saying that when the police control them, the first thing they will do, before asking for document, is hitting them. And when they put you in the ground they will tell you : « You see how we killed Mike ? We will kill you the way we killed mike ». For me I don’t see any difference after the death of mike, it is worse than before. »*

De 2016 à aujourd’hui, nous avons été dans la rue plus d’une dizaine de fois contre le racisme, contre le profilage racial, contre le harcèlement, le racket, les violences et les meurtres policiers.

Nous avons plus d’une dizaine de fois été des milliers à scander des slogans pour demander Justice et Vérité.

Nous avons été dans la rue plus d’une dizaine de fois pour dire que la vie des noirs comptent.

L’État a été interpellé avec des revendications concrètes.

Nous avons élevé nos voix à la mémoire et pour la dignité de nos morts !

Et pourtant… et pourtant il y a un an, a eu lieu le procès de l’assassin d’Hervé Mandundu. Plus de 4 ans après avoir été tué, le 23 mars 2021 ce procès débute. La durée étant annoncé de 3 jours, ne dure qu’un jour et demi pour qu’en fin la cour criminelle du Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois rendent son verdict.

L’assassin d’Hervé a été acquitté et indemnisé de 35’000 CHF par l’État ! Les agents de l’État tue et l’État acquitte!!!

La modification de la scène de crime, la concertation des agents avant d’appeler les urgences, les témoignages du voisinage ne suffiront pas à rendre justice à Hervé. Le juge a estimé que le policier avait souffert, qu’il avait été suffisamment choqué, et a alors decidé de l’acquitter pour en prendre soin.

Mais qui a pris soin d’Hervé, de Mike et de Lamin ?
Qui a pris soin de Nzoy !?!

Et ils vont nous faire croire que le policier qui a tué Nzoy n’avait pas d’autres solution que de tirer? Qu’on va croire à un simple accident… Une fois de plus…
Est-ce qu’on tire sur une personne en détresse? Ou on appelle les secours?

Oui Nzoy était en détresse, Nzoy avait besoin de soin.

Ils en rajoutent encore en calomniant la mémoire de nos morts : Tantôt islamiste tantôt forcené, voilà comment ils en ont parlé de Nzoy. Et son humanité alors? Ils croient pouvoir encore justifier l’injustifiable. Mais nous ne sommes pas dupes.

L’attitude de l’administration, de la police, de la justice, des médias et des politiciens à l’encontre des personnes racisées sont autant de raisons qui font que ces drames ne sont pas des accidents.

Ces personnes sont mortes pour rien! Car rien ne justifie leurs morts !

Mike, Hervé, Lamin et Nzoy – pour ne citer que les plus récentes et plus proches affaires – ne sont pas morts par hasard! Ce sont les victimes d’une Suisse et d’une Europe qui n’ont jamais cessé d’être coloniaux, qui n’ont jamais cessé de créer un « autre » sans jamais le citer, en l’infériorisant.

Cet autre qui est brutalisé symboliquement, physiquement et psychiquement.
Cet autre à qui on nie son humanité!

Ils se sentent menacés par les personnes non blanches atteintes dans leur santé mentale et physique, et perpétuent un continuum de violences sur leur corps.

Ils demandent aux hommes noirs d’atteindre une perfection impossible pour ne pas être vus comme une menace par les forces de l’ordre : impossible, car pour cela, il faudrait qu’ils ne soient plus noirs.

Nzoy était-il encore une menace à leurs yeux quand ils l’ont laissé au sol pendant 4 minutes?

Hervé était il encore une menace à leurs yeux quand après lui avoir tiré trois fois dessus, ils l’ont menotté puis pris le temps de déplacer son corps avant l’arrivée des secours?

Lamin était-il encore une menace pour l’État suisse à cause de son statut légal lorsque ils l’ont regardé aux caméras agoniser pendant 1h et demi dans sa cellule?

Mike était-il encore une menace durant les 6 longues minutes de plaquage ventral que ils lui ont fait subir?

Le mépris et les difficultés insupportables que les proches et les familles doivent traverser pour accéder à la vérité sont de taille.

Nous, collectifs, proches et soutiens de toutes les victimes de violences policières en Suisse et ailleurs, nous restons soudés pour rendre justice. Et nous n’arrêterons pas tant que justice ne sera pas faite.
Nous sommes effectivement leur menace, car aucun de leurs crimes n’aura lieu à l’encontre des nôtres dans le silence, aucun de nous ne les laissera commettre ces crimes dans l’impunité la plus totale.

Pour toutes les familles et les proches qui doivent endurer l’épreuve de la justice… une pensée, de la force…  du bruit!

Outrage Collectif

* »Pour moi, depuis la mort de Mike, rien n’a changé. Je pense que c’est pire qu’avant. Après la mort de Mike, j’ai vu un ami qui a été battu par la police, jusqu’à ce qu’ils lui cassent un doigt. Après la mort de Mike, j’ai vu un ami qui a été battu par la police, jusqu’à ce qu’ils lui cassent la jambe. Après la mort de Mike, j’ai vu un ami qui a été battu par la police, après quoi ils ont pris un couteau et l’ont mis sur son cou, en disant qu’ils lui couperaient le cou s’il revenait par ici. Après la mort de Mike, j’ai vu des gens dire que lorsque la police les contrôle, la première chose qu’ils font, avant de demander un document, est de les frapper. Et quand ils vous mettent au sol, ils vous disent :  » Tu vois comment on a tué Mike ? On va te tuer comme on a tué Mike « . Pour moi, je ne vois pas de différence après la mort de Mike, c’est pire qu’avant. »

 


Why are we still here today?
We are here today because another person has been killed by state agents.
We are here today because again an Afrodescendant man was killed by the Swiss police.

We were on the street in November 2016, when they killed Herve Mandundu, a black man, in his home, by 3 bullets in the body while he was in distress.

We were on the street in November 2017, when a few days earlier, Lamin Fatty, a black man, arrested and locked up because of racial profiling, died while in police custody after loosing consciousness at the Lausanne gendarmerie. Lamin Fatty had told them that he suffered from epilespsy, Lamin Fatty had told him that this arrest was a misunderstanding, but the violence of his care, the violence of the state killed him.

We were on the street in March 2018, after 6 police officers killed Mike Ben Peter, a black man, after tackling him to the ground for 6 minutes, more of 250kg on him and haven been beaten in an alley after a street check. The murderers will tell the media to defend themselves that he died of an overdose the day after the assassination… toxicological analysis proved that he had not taken any substance.

To talk about this context, the words said in 2018 during the Paraponera Festival by a member of Jupiter collective are enough:

« For me, since the death of Mike nothing has changed. I think it is worse than before. After the death of Mike, I have seen a friend that has been beaten by police, until they broke his finger. After the death of Mike, I have seen a friend that has been beaten by police, until they broke his leg. After the death of Mike, I have seen a friend that has been beaten by police, after what they take a knife and put it on his neck, telling they will cut his neck if he is around here again. After the death of Mike, I have seen people saying that when the police control them, the first thing they will do, before asking for document, is hitting them. And when they put you in the ground they will tell you : « You see how we killed Mike ? We will kill you the way we killed mike ». For me I don’t see any difference after the death of mike, it is worse than before. »

From 2016 to the present, we have been on the streets more than a dozen times against racism, against racial profiling, against harassment, racket, police violence and killings.

We have been in the streets more than a dozen times, thousands of times, chanting for justice and truth.

We have been in the streets more than a dozen times to say that black lives matter.

The state has been challenged with concrete demands.

And, we have raised our voices in memory and for the dignity of our dead !

And yet… and yet a year ago, the trial of Hervé Mandundu’s assassin took place. More than 4 years after he was killed, on March 23, 2021 this trial begin. The duration announced was of 3 days, but it lasted only 1 day and a half so that at the end the criminal court of the District Court of the Est Vaudois gave its verdict.

Hervé’s murderer was acquitted and compensated with 35’000 CHF by the State! The agents of the State kill and the State acquits!!!

The modification of the crime scene, the concertation of the agents before calling the emergency services, the testimonies of the neighborhood will not be enough to give justice to Hervé. The judge considers that the policeman suffered, that he was sufficiently shocked, then decides to acquit him to take care of it.

But who took care of Herve, Mike and Lamin?
Who took care of Nzoy?

And they will make us believe that the policeman who killed Nzoy had no other solution than to shoot? That we will believe that it was a simple accident… Once again…
Do we shoot a person in distress? Or… do you call for help?

Yes Nzoy was in distress, Nzoy needed care.

They add to this by insulting the memory of the dead: He is sometimes an Islamist and sometimes a madman, that’s how you talked about Nzoy. And what about his humanity? They think they can still justify the unjustifiable. But we are not fooled.

The attitude of the administration, the police, the justice system, the media and the politicians towards racialized people are all reasons why these dramas are not accidents.

These people died for nothing! Because nothing justifies their death!

Mike, Hervé, Lamin and Nzoy – to name of the most recent and closest victims – did not die by chance! They are the victims of a Switzerland and a Europe that have never ceased to be colonial, that have never ceased to create an « other » without ever mentioning it, by inferiorizing it.

This other who is symbolically, physically and psychically brutalized.
This other whose humanity is denied!

They feel threatened by non-white people being harmed in their mental and physical health, and they perpetuate a continuum of violence on the body.

They ask black men to achieve an impossible perfection in order to not be seen as a threat by law enforcement: impossible, because to do so they would have to be no longer black.

Was Nzoy still a threat to them when you left him on the ground for 4 minutes?

Was Hervé still a threat to them when, after shooting him three times, they handcuffed him and then took the time to move his body before help arrived?

Was Lamin still a threat to the Swiss state because of his legal status when they watched him on camera agonizing for an hour and a half in his cell?

Was Mike still a threat during the 6 long minutes of belly tackle they put him through?

The contempt and the unbearable difficulties that the relatives and families have to go through to access the truth are huge.

We, collectives, relatives and supporters of all victims of police violence in Switzerland and elsewhere, remain united in the pursuit of justice. And we will not stop until justice is done.
We are indeed their threat, because none of their crimes will take place against ours in silence, none of us will let them commit these crimes in total impunity.

For all the families and loved ones who have to endure the harshness of justice… we send a thought and a lot of strength!

Outrage Collectif