Toute la police est violente jusque dans ses regards et ses silences¹. Et c’est dans ces multiples regards et silences que le procès du tueur de Hervé Mandundu a commencé. Aux quatres coins du bâtiment, des groupes de policiers en uniforme errent dans un silence complice.
Et c’est dans ce silence complice que le policier inculpé se baladait tranquillement aux pauses avec ses soutiens, passant à côté de la famille de Hervé. Par ailleurs, seule la famille très restreinte de la victime a pu assister au procès, et rien n’a été amenagé pour elles et eux (ni endroit pour manger, ni place de parking), malgré le contexte sanitaire actuel. Plusieurs journalistes étaient aux abords et on pu accéder au procès, mais aucun soutien n’était autorisé pour la famille. Certains médias à l’extérieur posaient des questions intrusives et allaient jusqu’à photographier certaines personnes qui tentaient de se cacher.
09h07 C’est dans cette ambiance froide que le procès a commencé. Dans la matinée, c’est l’inculpé pour meurtre qui a parlé, puis les experts.
L’assassin de Hervé a livré un témoignage larmoyant, largement relayé par les médias. On ne peut que constater l’emphase sur les émotions de ceux qui nous retirent les nôtres, ceux qui sont dans le tort. Pour l’affaire Mike Ben Peter, les médias avaient rapporté le stress et l’accablement que les articles sur la mort de Mike suscitaient chez ses meurtriers: pas pour leurs actes mais pour avoir été identifiés comme meurtriers.
On se demande donc, les larmes blanches, les larmes d’un policier, les larmes de celui qui a tué, sont-elles plus importantes que celles d’un enfant qui a perdu son père?
S’est ensuivi le compte rendu des experts. On y retrouve ainsi la médecin légiste Silke Grabherr, la même médecin qui s’est occupé de l’affaire de Mike Ben Peter, remise en cause par l’avocat de Mike pour sa non-impartialité dans l’affaire. Elle a enseigné à l’école de police de Savatan et est mariée à un flic.
12h15 La première partie du procès se termine.
À la pause de midi nous étions satisfaits de la tribune du 24heures, axant son article sur la potentialité raciste du meurtre de Hervé. Mais c’est non sans surprise que quelques heures après, le 24heures donna une tribune à l’assassin dans un nouvel article : Il tenait un couteau, prêt à frapper, j’ai vu son regard déterminé.
Malheureusement, personne n’est là pour dire ce qu’Hervé a vu dans les yeux de son tueur avant de mourir. L’avocat de la famille ne peut se baser que sur des faits que l’on peut déterminer après l’évènement, ou des faits rapportés par des experts du côté de la police. La police, elle, a eu tout le temps de ficeler son discours, entre la mort de Hervé et l’arrivée des secours, et entre la mort de Hervé et le procès, quatre ans après.
13h30 L’après-midi, c’est une collègue du policier qui s’est exprimée. Elle a travaillé avec lui pendant plusieurs années. Elle a témoigné de « la manière de travailler très professionnelle et respectueuse » de son collègue. Pourtant, ils ont refusé deux fois que l’avocat accède aux états de service de l’inculpé. Ils préfèrent qu’on les croie sur parole plutôt que de donner des preuves tangibles.
Leur position dans la société et leur statut professionnel et social orientent évidemment l’enquête, et dans ce cadre, ils plaident la légitime défense.
Mais le père de Hervé a été là pour nous rappeler le Hervé que son entourage connaissait:
« Mon fils n’est pas méchant, je le connais. Vous le catégorisez comme un meurtrier, un méchant. Il était pompier volontaire à Lausanne, mon fils s’occupait bien de nous. Mon fils a même ouvert une association, il a laissé plusieurs cartons chez moi pour les donner aux orphelins en Afrique. C’est pas le Hervé que vous décrivez, le tueur c’est lui, c’est pas mon fils. »
15h15 Le premier jour du procès se termine.
¹- Mathieu Rigouste – La domination policière : Une violence industrielle