Justice pour Nzoy, Victime du Racisme d’Etat – Discours lu à Berne le 2 octobre 2021

Le 30 août 2021, à la gare de Morges, Nzoy, un homme afrodescendant de 37 ans, vivant dans le canton de Zurich, un frère, un fils, un cousin, un ami… a violemment été tué par la police.
Alors qu’il était en détresse, un policier lui a tiré 3 balles dans le corps, sans jamais lui prêter secours, le laisant gisant sur le sol pendant plusieurs minutes.
 

Nzoy s’ajoute à la longue liste de personnes noires et racisées tuées par la police. Khaled Abuzarifa, Samson Chukwu, Cemal G., Hamid Bakiri, Claudio M., Yaya Bakayoko, Ousman Sow, Alhusein Douto Kora, Mariame Souaré, Umut, John Wallas, Osuigwe Christian Kenechukwu, Abdi Daud, Andy Bestman, Joseph Ndukaku Chiakwa, Medina Yassin Suleyman, Oleg N., Ilhan O., Sara Jneid, Hervé Mandundu, Subramaniam H., Lamin Fatty, Mike Ben Peter, Salah Tebbouche, Nzoy. Dites leurs noms!
    
Dites leurs noms!

Comme nous l’avons déjà écrit (ici et ici), le racisme anti-noir n’a pas de frontière, Les violences racistes non plus.

N’oublions pas, les personnes en détresse psychologique sont les victimes de violences innomables.
    
Il y existe un continuum de violences envers les personnes perçues comme neuroatypiques (asiles, enfermement, psychiatrisation). On assiste d’un côté au désinvestissement des lieux de soins et au manque de ressources structurel des hôpitaux, des permanences de santé, des lieux de soins communautaires… Sans compter que l’accès aux soins dépend de déterminants sociaux comme le statut socio-économique, le statut administratif, le quartier de résidence etc... 
Et de l’autre côté, à cause de ces carences, la police est trop souvent appelée à la place de lieux de soins compétents quand des personnes sont en situation de détresse. Et sans surprise, elle tient son rôle, celui d’utiliser la violence pour maintenir l’ordre social! Au lieu d’aider, elle ne fait qu’empirer la situation!
    
Les personnes neuroatypiques ont bien plus de chances de subir des violences que le reste de la population et sont d’autant plus vulnérables aux violences policières.
Quand on sait en plus que subir les violences racistes en général, et policières en particulier, en entendre parler tout le temps, ça impacte les personnes racisées dans leur santé mentale, ce qui les expose d’autant plus à des violences. C’est le serpent qui se mord la queue!
Revenons à Morges, le 30 août dernier. 
Alors qu’il y avait une distance suffisante entre Nzoy et le tireur, entre Nzoy et la population, le policier responsable du crime s’est senti en danger. Mais il n’y avait de danger ni pour lui, ni pour la population. La seule vie en danger était celle de Nzoy.
Ce que ce meurtre prouve encore, c’est qu’a priori les corps Noirs sont considérés comme dangereux. Dans un contexte où 3 policiers armés et entraînés font face à une seule personne désorientée, c’est cette dernière qu’ils nommeront « forcené ». Les policiers équipés et armés deviennent alors des victimes. Du moins c’est comme ça qu’ils se présentent devant les médias  qui sont les relais de ce discours où victimes et bourreaux sont inversés.
La couverture médiatique des événements, comme à l’accoutumée, justifie l’action de la police.
La couverture médiatique des événements, comme à l’accoutumée, tend ainsi à justifier l’action de la police. Le soir même du drame, la presse régionale laisse planer la menace islamiste dans des articles comme celui de la Tribune de Genève, qui évoque le fait que l’homme abattu par la police aurait été vu en train de ‘prier’, sans préciser comment. Dans le même article un parallèle est fait entre cette situation et l’apparente ‘insécurité’ aux alentours de la gare de Morges, un meurtre dans un kebab s’y étant déroulé l’année précédente. Sur quoi se basent ces raccourcis dressés le soir même de l’incident, si ce n’est la rengaine bien connue islam = insécurité = nécessaire intervention de la police? Suite à ça, les rédactions les plus ra… réactionnaires s’en sont donné à coeur joie pour justifier cet assassinat, et ce avant même que ne soient accessibles les détails sur les circonstances des événements! Et quand le réflexe islamophobe n’est plus tenable, quand il est évident que la situation ne peut être imputée à la ‘menace islamiste’, on voit s’ingénier les médias pour trouver toutes sortes de justifications qui défient l’imagination le 20 minutes du 1er septembre ayant même l’indécence de parler de ‘suicide par policier’, quand la tribune de genève instrumentalise le témoignage d’un employé des CFF et insiste lourdement sur l’appellation « forcené », alors que Mise au Point dédie 15 minutes d’appitoyement sur la difficulté d’être un policier inculpé pour homicide (alors qu’on sait très bien que c’est gagné d’avance), en nous faisant nous mettre à la place du pauvre agent qui aurait été contraint de tuer quelqu’un. Islamophobie, psychophobie, on voit bien que devant l’évidence de l’inhumanité de la réaction policière, matérialisée par les vidéos (entre autres diffusées par le quotidien Le Courrier), tous les moyens sont bons pour rejeter la faute sur la victime!
Arrêtons-nous un instant sur l’usage de la religion comme justification de la mort. Réflexe un peu trop facile pour excuser l’action de la police, c’est un motif régulièrement utilisé par certains journaux. Cette rhétorique est claire et participe à la consolidation d’une islamophobie politique et médiatique qui caractérise bien notre époque. Et on ne nous fera pas le coup de la laïcité tant les rues de nos villes sont placardées de la parole biblique sur les panneaux d’affichage officels. Et, puis quand bien même? La prière est-elle un crime? De quoi est-elle la révélation en fin de compte?
Mais on le sait ! La justice… Les médias… tous s’allient pour déshumaniser, tuer deux fois les victimes de meurtres policiers. Celles et ceux qui subissent la brutalité policière sont dépossédé·exs de leur statut de personne et de leur statut de victime. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour rendre légitime un meurtre policier? Où est la propotionnalité des actes policiers quand il s’agit de personnes non-blanches?
Et même si les médias et la police s’engagent à rendre floues les circonstances de la mort de Nzoy, nous ne sommes pas dupes. Nzoy n’est pas « décédé d’une hémorragie massive » comme ils le disent, il a été abattu par les balles de la police, par les balles d’un policier, par les balles d’un policier assermenté et entraîné.
On nous fait croire que le racisme c’est la peur de l’autre, mais de toute évidence c’est surtout sa mort. 
Nous saluons les manifestant·exs du 3 septembre à Morges, ceux du 2 octobre à Berne, et toutes les personnes qui luttent contre les violences de l’Etat!
Nous les saluons, car ils et elles se sont mobilisé·xs pour la justice !
Et nous condamnons les méthodes répressives de maintien de l’ordre utilisés par la police.
Aussi, nous condamnons les médias qui se sont attelés à discréditer des manifestant-exs qui revendiquaient la justice.
Nzoy ne représentait pas une menace, quand vont-ils le reconnaître ?
Malheureusement on retiendra encore – et la tentative d’un civil de porter secours à Nzoy le prouve : on peut décidément plus compter sur la solidarité de la population que sur le soutien de la police !
Chère famille, cher·e·x ami·e·x de Nzoy,
nous sommes désolé·x·s que vous aussi ayez à vivre un tel drame. Oui car ce n’est pas un accident mais un terrible drame et une terrible injustice à laquelle aujourd’hui vous devez faire face.
Pas un parent, pas un·e·x ami·e·x ne devrait vivre ça, personne ne devrait mourir de la sorte.
Toute personne mérite une réponse, un secours à sa détresse.
Toute personne ainsi démunie, mérite qu’on lui apporte secours.
Chers parent·e·x·s, cher·e·x·s ami·e·x·s, nous vous envoyons de la force et du courage.
Que vous puissiez faire votre deuil et que justice soit faite, que vos blessures cicatrisent.
Nous vivons dans un pays où le racisme anti-noir semble être le mot d’ordre pour tirer à bout portant.
Justice pour Nzoy !
Justice pour toutes les personnes victimes de violences policières.
Crédit photo:@justice4nzoy