Pourquoi s’organiser contre la police ?

English below
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Rien de nouveau sous le soleil : L’état du monde n’a pas beaucoup changé depuis notre dernier événement. Le racisme d’Etat sévi toujours, alors nous luttons.
Pour n’en citer que quelques uns ces 10 dernières années…

Tué le :
– 28.02.2018 Mike Ben Peter
– 24.10.2017 Lamine Fatty
– 06.11.2016 Hervé Mandundu
– 18.04.2010, Umüt Kiran, (tué par balle dans une course poursuite)
– 17.03.2010, (X nigérian tué sur le tarmac de Zurich lors de son renvoi forcé)
– 11.03.2010, (Skander Vogt), asphyxié dans sa cellule de la prison de Bochuz

Tous assassinés entre les mains de la police en Suisse.

Le constat général est simple. L’engagement policier participe à un système mortifère pour les noir·e·x·s et autres non-blanc·he·x·s. Depuis des décennies en Suisse, les noir·e·x·s sont quotidiennement agressé·e·x·s, racketé·e·x·s, tabassé·e·x·s, subissent des fouilles non conformes, et sont les sujets d’un contrôle social exacerbé.

La police n’est pas neutre et connaît le maître qu’elle sert : la bourgeoisie en grande majorité blanche. Ainsi, lorsque la police exerce le maintien de l’ordre, elle parle avant tout d’un ordre social, économique et politique qui n’est pas à l’avantage ni des habitant·e·x·s des quartiers populaires, ni de ceux et celles qui luttent contre le pouvoir en place et les inégalités. Eh non, il ne devrait plus y avoir de doute sur ce qu’implique l’engagement policier. Il est temps de sortir du jugement moral qui différencierait les bons des mauvais policiers, car entrer dans la police c’est déjà se rendre complice. C’est adhérer à des idées, à des représentations. Il y a une tendance, par le jugement moral, à individualiser et humaniser les policiers tout en restant témoin de la déshumanisation des corps non-blancs, et particulièrement noirs, sous couvert de discours sécuritaires.

La police est la même partout, le racisme anti-noir aussi.

Il y a une tendance en Suisse à se distancier en disant que « ce n’est pas pire qu’en France », qu’aux États-Unis ou ailleurs. Pourtant la condition noire – et celle des autres personnes issues de l’exil – n’a pas de frontières, elle est internationale et structurée. Elle relève d’une réalité sociale indiscutable et d’une violence sans limite.
Le système et l’idéologie répressive sont banalisés à tel point que lorsque l’on se promène le soir, il est normal de voir des hommes noirs se faire courser, tabasser, arrêter. L’expérience de la ségrégation, de l’exploitation, du contrôle, du fichage et de l’humiliation est continuellement appliquée et développée sur ces corps, notamment en élaborant des techniques scientifiques, juridiques, sociales, politiques, éducatives et policières.

Hervé
Homme noir, tué dans son immeuble lors d’une intervention de police, de 3 balles dans le corps par un agent de la police cantonal.

Lamine
Homme noir, arrêté aux alentours de la gare de Lausanne et mis en garde à vue durant laquelle il mourra dans sa cellule. Souffrant d’épilepsie, Lamine a manifesté le besoin d’une prise en charge. Il n’a pas été entendu. Non seulement victime de profilage racial, Lamine a été ensuite arrêté en vue d’un renvoi qui ne le concernait pas. Il y a eu erreur sur son identité.

Mike
Homme noir, membre du collectif Jean Dutoit, « mort suite à une intervention policière ». Tabassé et blessé à mort selon le rapport d’autopsie. Victime de profilage racial.

Pour ne citer qu’eux.

Des frères, des amis, des parents, des camarades de lutte.

Ce ne sont pas des hasards, ce sont des hommes noirs ou racisés qui meurent entre les mains de la police aujourd’hui. Des discours anti-noirs se manifestent dans toutes les sphères de la société.

L’année dernière, un cinéaste, Fernand Melgar, lance une propagande anti-dealeur. Mais pas n’importe comment. Il a associé hommes noirs avec deal, violences sexuelles, maladie et détournement de mineurs. Sa propagande populiste s’est répandue notamment à cause du soutien de commerçants, d’habitants du centre-ville lausannois et de la presse mainstream, dans le but évident de chasser toute personne dite « indésirable » des espaces touristiques et marchands. Cette action s’est propagée à d’autres villes, dont Genève, et s’est transformée en pétitions, manifestations et brigades ‘citoyennes’, pour chasser ceux  perçus comme dealers. Des hommes noirs. (1)

Dans le canton de Vaud, la police met l’accent sur la lutte anti-deal. Le rapport annuel de la police de Lausanne vante les mérites des nouvelles mesures du dispositif policier et sécuritaire pour « apaiser la vie du centre-ville ». Dispositif qui consiste à placer sur de nombreux axes stratégiques des agents de police en uniforme.
Ainsi, via l’argument sécuritaire et de santé publique, les hommes noirs victimes de violences de la part des forces de sécurité et institutionnelles sont présentés comme la menace à éliminer, les criminels. Dans le cas de Mike, l’overdose – première hypothèse avancée pour expliquer son décès – a été largement médiatisée alors que le rapport d’autopsie confirmant que sa mort faisait suites à la brutalité de son interpellation n’a été que très peu relayé (2).

Aujourd’hui, le racisme anti-noir à l’encontre des hommes se justifie par le deal de rue. Mais sachez qu’il existait bien avant et que nos pères, oncles, frères et cousins se faisaient déjà tabasser dans la rue, dans les commissariats ou dans les cellules.

Les noir·e·x·s sont exposé·e·x·s à la brutalité blanche depuis plusieurs siècles. Nous en sommes à un stade de déshumanisation des noir·e·x·s qui paralyse leur vie sociale et les contraint à devoir constamment s’organiser.

Parce que la police tue
Parce que le système judiciaire défend la police
Parce que l’impunité des meurtres policiers est quasi totale
Nous nous organisons

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Why should we organize against police?

Nothing new under the sun: the state of the world hasn’t changed much since our last event. As state racism is still very alive, we continue the struggle.

To mention only a few cases from the last 10 years…
Killed on:
–       February 28, 2018, Mike Ben Peter
–       October 24, 2017, Lamine Fatty
–       November 6, 2016, Hervé Mandundu
–       April 18, 2010, Umüt Kiran (shot dead during a chase)
–       March 17, 2010, Anonymous (killed in Zurich airport’s tarmac during his deportation)
–       March 11, 2010, Skander Vogt (choked to death in his prison cell in Bochuz)

All of them murdered by the hands of the police in Switzerland.

The general observation is simple. Police commitment participates to a deadly system for black people and other people of color. Since decades in Switzerland, black people are being assaulted, extorted, beaten up, improperly frisked and are subject to enhanced social control, and this on a daily basis.

Police is not neutral and knows which master it serves: the predominantly white bourgeoisie. Thus, when the police is maintaining order, it is primarily a social, economic and political order which does not benefit the people who come from popular neighborhoods and those who struggle against the government in power and inequalities. No, there shouldn’t be any doubt left on what police commitment implies. It is time to abandon the kind of moral judgement which separates the « good » police officers from the « bad ». One is already an accomplice by joining the police force, as it implies supporting specific ideas and representations. Moral judgement has a tendency to individualize and humanize police officers and to cover the dehumanization of non-white bodies that we actually witness, in particular that of black bodies, with a discourse about security.

Police is the same everywhere, anti-black racism as well.

There is a tendency in Switzerland to minimize this by saying “it is not as bad as in France” or in the United States or elsewhere. Yet the black condition – and the condition of others with migrational backgrounds – has no borders, it is international and structured. It stems from an undeniable social reality and violence beyond limits.
The repressive system and ideology have been so trivialized that it has become normal to see black men being chased, beaten up, arrested when walking at night. The experience of segregation, exploitation, control, tracking and humiliation are continuously applied and developed on these bodies, through the elaboration of scientific, juridical, social, political, educational and repressive technologies for instance.

Hervé
Black man, killed inside the building where he lived during a police intervention, shot 3 times by a cantonal police agent.

Lamine
Black man, arrested near Lausanne’s train station, taken into custody during which he died in his cell. Lamine had epilepsy and had expressedthe need to have his medical needs taken in charge, which was neglected. Not only was he a victim of racial profiling and medical negligence,but he was also the victim of an identification error. In fact, Lamine was arrested for an administrative deportation in line with the Dublin agreement which was not related to him.

Mike
Black man, member of the Jean Dutoit collective, “dead after a police intervention”. Beaten up and wounded to death according to the autopsy report.  Victim of racial profiling.

To mention only a few.

Brothers, friends, parents, comrades in struggle.

It is no coincidence that it is the black men or the men of color who die in the hands of the police nowadays. Anti-black discourses have been emerging in all spheres of society.
Just last year, a filmmaker named Fernand Melgar launched a propaganda against dealers. He made a generalized confusion between black men from West Africa, drug dealing, sexual violence, diseases and the corruption of minors. He was able to start this fight with the support of shopkeepers, Lausanne city center’s inhabitants and mainstream press, with the obvious goal of driving out any so-called « undesirable » people from the touristic and commercial areas. This action has spread to other cities, including Geneva, and has caused repercussions with petitions, demonstrations, and civilian street brigades aimed to chase away those perceived as dealers, meaning black men. (1)
In the canton of Vaud, the police has focused on the fight against drug-dealing. In its annual report, the Lausanne police praises the merits of their new police and security measures aimed to « appease life in the city center », which consists of placing police officers in uniforms on many strategic positions.

This is how, through the arguments of security and public health, black men who are victims of the violence by security and institutional forces find themselves turned into the threat to be eliminated, the criminals.
In Mike’s case, the overdose – first hypothesis to explain his death- was largely publicized, while the autopsy report confirming that his death was the result of the brutality of his arrest was only rarely reported. (2)

Today, anti-black racism – specifically against men – is justified by the street drug dealing, but know that this has existed long before and that our fathers, uncles, brothers and cousins were already being beaten up on the streets, in police stations or in cells.
Black people have been exposed to white brutality for several centuries. We are at a stage of dehumanization of black people that paralyzes their social life and forces them to constantly organize themselves.

Because the police kills
Because the judicial system defends the police
Because the police murders get away with almost complete impunity
We organize ourselves

(1) http://m.20min.ch/ro/news/vaud/story/-un-climat-detestable–a-cause-de-l-affaire-melgar-23806284
(2) https://www.letemps.ch/opinions/lausanne-un-rapport-medical-mort-mike-relance-question-violences-policieres